Synthèse des ateliers « Repenser l'humain » avec Pierre Levy
Entre septembre et octobre 2025 Pierre Lévy a animé pour Revue 3.0 trois ateliers intitulés Repenser l’Humain (description ici), ce qui fut l’occasion pour les membres présents de réfléchir et de discuter atour du concept « d’humain » ainsi que sur le statut de l’humanisme, aujourd’hui.
- Dans la première séance sur « la sensibilité animale » (enregistrement ici), Pierre Levy interrogeait, à partir d’une recension des liens objectifs entre humains et animaux, si l’on peut définir l’essence de l’humain.
- Dans la deuxième séance sur « l’ordre symbolique » (enregistrement ici), Pierre Levy nous a présenté sa conception des processus symboliques, techniques, moraux et sociaux dont la complexité serait propre à l’être humain.
- Dans la troisième séance sur « le roseau pensant » (enregistrement ici), Pierre Levy a fait une synthèse des deux premières séances, en tentant une articulation entre le sensible et l’intelligible, et ouvrant sur l’éthique de l’un et du multiple.
Synthèse des points défendus par Pierre Levy
Selon Pierre Lévy, l’expérience consciente, les émotions, l’imagination, la perception de l’espace et du temps, ainsi que la communication, trouvent toutes leur origine dans le système nerveux. Celui-ci constitue le socle à partir duquel se déploient les formes de vie humaine et animale. Il importe toutefois de distinguer la communication animale du langage propre à l’humain : les animaux échangent avant tout des signes (sonores, olfactifs, iconiques) qui leur permettent d’interagir sans pour autant atteindre la complexité symbolique du langage humain.
Parmi les formes de communication animale, la stigmergie est une communication indirecte, médiée par l’environnement partagé, qui sert de mémoire collective et fonde une part de leur « intelligence collective ». Pierre Lévy étend cette idée à l’humain dans le troisième atelier, en évoquant une « stigmergie symbolique » : une mémoire à très long terme, comparable à une écriture collective, dont l’intégration active des circuits neuronaux spécifiques.
Pierre Levy souligne dans le deuxième atelier la continuité entre l’animal et l’homme : tout ce qui caractérise l’humanité se trouve déjà en germe dans le monde animal. La symbolisation (selon Pierre Levy : la capacité à représenter un concept par une forme sensible, sonore ou visuelle) en est une illustration. Chez l’homme, cette symbolisation s’enrichit de dimensions morales, donnant naissance à un sens plus proprement « humain ». Dans son dernier atelier, Pierre Lévy présente la culture comme fondamentalement collective : « l’intériorisation » de la culture comme forme globale nous permet de nous insérer dans le social. C’est en cela aussi qu’il n’existe pas d’état de nature antérieur au politique.
Échanges suscités par ses interventions
Les interventions de Pierre Levy ont suscité de nombreux échanges et réflexions. Nous nous sommes notamment posés la question de l’arbitraire dans l’établissement des frontières, même floues, entre « humain » et le reste. Nous avons ainsi discuté de l’approche « aristotélicienne » de la catégorisation que reprend Pierre Levy, dans son « anthropologie philosophique ». Ce type de distinction ne crée-t-il pas des exclusions inutiles ? Pour Pierre Levy, il nous faut suivre l’impératif « connais-toi toi-même » de Socrate : faire la différence nous permet d’être réflexifs. Si pour Marcello Vitali-Rosati, toute distinction vient avec une hiérarchisation symbolique, Pierre Levy estime que son approche consiste à ne pas faire de distinctions entre les êtres humains.