Compte-rendu de la table ronde "L’avenir des grandes plateformes" de la plénière Revue3.0 2025

Cette table ronde à été animée par Rémy Besson avec comme intervenant·e·s Suzanne Beth pour Érudit, Sandra Guigonis pour OpenEdition, Mireille Lacombe pour le Réseau Circé, Dominique Roux pour Métopes et Marcello Vitali-Rosati pour Revue3.0.

Présentations des différentes structures et de leurs enjeux actuels

OpenEdition vise à ouvrir et partager les savoirs en sciences humaines et sociales (SHS). Infrastructure nationale de recherche qui, depuis 2016, repose sur des financements publics, elle applique les politiques publiques françaises en matière de science ouverte. Elle fournit 4 plateformes arrivées à maturité pour différents types de formats : revues, ouvrages, communication d’événements scientifiques et de blogging (carnets Hypotheses), dont les contenus sont hautement structurés et balisés en XML-TEI (format pivot), suivent les principes FAIR (facilement trouvable, accessible, interopérable, réutilisable) et dont les métadonnées utilisent un thésaurus et un vocabulaire contrôlé. L’enjeu aujourd’hui pour OE est celui de la maintenance et de l’évolution de cette infrastructure. Si celle-ci ne peut pas constituer en elle-même un espace d’expérimentation et de prototypage, elle vise toutefois à répondre de manière satisfaisante à l’évolution de pratiques éditoriales souhaitées par les communautés de la recherche en SHS. OE travaille ainsi en ce moment à exposer directement les jeux de données sur Nakala, qui lui-même pourra exposer les articles d’OpenEdition citant ses jeux de données.

Pour Érudit, l’enjeu actuel est en particulier de soutenir les revues canadiennes non commerciales, en commençant par leur fournir un hébergement pérenne. Pour cela, elle travaille à la structuration XML de ses contenus, à l’accompagnement personnalisé de ses revues et à leur diffusion, des bibliothèques universitaires à Google Scholar. Érudit collabore étroitement avec le Public Knowledge Project et sa plateforme éditoriale OJS, ainsi qu’avec le Réseau Circé, pour mieux sensibiliser aux enjeux des revues indépendantes des grands éditeurs commerciaux, dans une vision de la revue dominée par les pratiques des sciences naturelles et de médecine ainsi qu’un contexte de commercialisation de la recherche. Actuellement, Érudit réfléchit à une intégration de nouvelles pratiques éditoriales, avec des formes de publications alternatives aux articles savants standards - par exemple les essais vidéographiques - ainsi qu’à l’amélioration de la conversion et de la circulation des données entre Érudit et OpenEdition pour éviter les doubles soumissions.

L’équipe de Métopes, quant à elle, assurée par l’université de Caen-Normandie, propose une organisation du travail pour structurer l’édition des contenus en SHS, en faisant du XML-TEI un format pivot à partir duquel produire les différents formats d’édition. Elle travaille ainsi à former la communauté éditoriale en SHS à l’éditeur XML, l’annotation du flux et à la mise en forme avec InDesign ou LaTeX, en suivant le principe du single source publishing (une seule source, plusieurs sorties). Un des enjeux actuels est de différencier les types de données et de métadonnées selon les disciplines, ainsi que de penser aux articulations entre publications et données. L’enjeu principal reste l’enrichissement du flux de contenus et de la manipulation de données des textes en SHS.

Échanges entre participants et avec la salle

Mireille Lacombe, analyste affairse pour le réseau Circé, pose la question de la place des prépublications ainsi que de la publication continue, pour ces différentes plateformes. Pour Dominique Roux, c’est une question de schéma supplémentaire ; Suzanne Beth affirme que Érudit prend actuellement la direction de l’intégration de ce type de publications et pratiques ; Sandra Guigonis, quant à elle, explique que cette pratique assez courante pourrait trouver une réponse dans des « rubriques continues ».

Emmanuel Chateau-Dutier, professeur agrégé en muséologie numérique à l’Université de Montréal et membre de Revue 3.0, prend la parole pour proposer l’idée d’une déplateformisation, ce qui ne reviendrait pas selon lui à renoncer à l’infrastructure.  « Devrait-on se libérer de ce stock ? A-t-on juste besoin de trouver les revues dans un réseau stable et distribué ?  » - cela irait à contresens des éditeurs commerciaux et de leurs centralisations, selon lui. Marcello Vitali-Rosati abonde, en proposant d’investir sur la « littératie numérique » pour imaginer des modèles locaux propres à chaque revue, qui pourraient toutefois se baser sur des formats communs et des indexations communes. Il relance ainsi une question à Open Édition et Érudit : « quel peut être votre rôle dans ce monde-là ? ».

Pour Sandra Guigonis, penser à une circulation d’information au travers d’une infrastructure fédérée peut se concevoir. Toutefois, il s’agit d’un question technique non-triviale. PeerTube, par exemple, est une réussite sur ce terrain-là, bien que cela nécessite un certain coût humain pour la maintenance ainsi qu’une certaine littératie pour développer sa propre instance. Pour Suzanne Beth, il y a un problème d’idéalisation dans la suggestion de Marcello Vitali-Rosati : les directeur·rices de revue n’ont pas les connaissances et compétences des gens dans cette salle, ils ne connaissent pas les enjeux du numérique. Emmanuel Chateau-Dutier précise que le besoin des revues est celui d’un service support d’infrastructure, tout autant que des possibilités de publication aménageables, ce à quoi abonde à nouveau Marcello-Vitali-Rosati, selon qui la mission des plateformes est avant tout la pérennisation - expertise numérique qui ne revient pas aux éditeurs·ices et auteurs·ices.

En fin de discussion, Sandra Guigonis évoque les initiatives d’incubateurs et pépinières de revues en France, qui adoptent ou non le modèle d’OpenEdition, mais avec lesquels OE entend toutefois travailler en réseau : elle affirme la nécessité d’un dialogue avec ces initiatives. Une complémentarité peut se trouver entre des plateformes de publications comme OE et Érudit, des archives centralisées comme HAL - que Dominique Roux précise ne par relèver de la publication - avec une infrastructure distribuée de publication de revues.